En fleur (ons)

Vos commentaires encourageants de l’article sur l’enfleurage m’ont poussé à vous faire partager ça dès maintenant car c’était prévu de longue date mais là c’est le moment ou jamais pour que vous puissiez en profiter, c’est la saison, ça commence à fleurir !

Voici donc la petite présentation d’un arbuste en fleur en ce moment (dans ma région) et qui mérite un enfleurage !

L’Eleagnus

Comme vous l’avez déjà compris j’aime tout particulièrement cette plante (et son odeur).

Pour la plupart, vous avez dû en croiser souvent sans savoir ce que c’était et sans lui prêter une grande attention, peut-être même avez vous senti l’odeur puissante de ses fleurs sans les voir, peut-être même sans parvenir à dire de quelle plante des environs était sortie cette odeur… J’ai été dans ce cas également les premières fois ou j’ai senti cette odeur ! 🙂

Si je vous dit que c’est un arbuste (un peu) épineux servant à faire des haies sur lesquelles on ne voit généralement pas de fleurs ça ne semble pas très excitant…

Pourtant, cet arbuste très utilisé du fait de sa résistance (à presque tout), de sa vigueur et de la persistance de ses feuilles qui en font un incontournable des haies est aussi une plante remarquablement odorante au moment de la floraison.

En fait il a même encore des nombreux avantages.

Il est simple mais je le trouve beau, y compris dans sa version au feuillage panaché de jaune qui sait éviter de donner l’impression de plante en plastique qu’on a parfois avec les plantes ornementales à feuillage panaché.

Ses fruits sont comestibles, ce sont de petites baies allongées aussi discrètes que ses fleurs.

Photo d'un Eleagnus x ebbingei en fleur

Un Eleagnus x ebbingei en fleur (photo de Jean-Jacques MILAN)

Mais surtout, revenons-en à son odeur !

Les petites fleurs cachées à l’aisselle des feuilles ont l’originalité d’apparaître à la fin de l’été, dès mi août ou au début de septembre et jusqu’aux premiers froids d’octobre.
Elles sont assez coriaces, résistantes comme le reste de l’arbre, elle peuvent sentir pendant 48 h même posées au sec dans la maison, elle conviennent donc bien à l’enfleurage à froid ou elles n’ont pas tendance à moisir trop vite.

Elles diffusent généreusement un parfum puissant que je sens généralement à plusieurs mètres, je l’ai souvent senti en courant, parfois même en passant en voiture. J’ai même pu dans certains cas sentir un seul arbuste à près de vingt mètres !

Pour vous en décrire l’odeur, c’est un parfum floral discrètement épicé à elle seule !
J’y trouve un côté œillet bien prononcé avec quelque chose de plus tropical. L’élégance enivrante de certaines orchidées comme les Platanthera ou les Epipactis sans le fond vanillé.

J’ai perdu ma description (écrite je ne sais plus trop où le weekend dernier) et n’ai pas de fleurs sous la main, ni sous le nez du coup… mais je crois l’avoir assez bien en mémoire pour vous la décrire correctement.

Il y a en tête ce coté verdure presque animale que je trouve dans une jacinthe ou certains lilas, quelque chose qui tire discrètement vers une mousse terreuse ou un champignon. Mais c’est fugace et discret, on bascule très vite vers œillet et jasmin, pour affiner je dirais surtout les facettes ylang-ylang et clou de girofle de l’œillet puis du jasmin grandiflor avec son côté fleur du sud, chaude un peu fruitée et vaguement animale.

Au final c’est pour moi une des fleurs dont l’odeur est la plus magique, presque un parfum à elle seule, provocante mais pas trop, sirupeuse sans rien d’ écœurant ou de franchement sucré, épicée sans en gâcher le côté absolument floral, le côté frais  de mousse verte de champignon et les notes animales donnent de la profondeur sans lourdeur.

Et puis avec son bouquet de fleurs de jacinthe, ylang-ylang, œillet et jasmin, comment ne pas l’aimer ?

A moins que vous ne soyez absolument hostiles à l’œillet ou à ylang-ylang avec une pointe de clou de girofle je pense qu’elle est à chercher dans les haies environnantes si vous n’en avez pas au jardin et à faire absolument en enfleurage d’arrière saison !

(Ils en mettent très souvent dans les haies des lieux publics aussi, personne ne vous reprochera de leur voler une tasse de fleurs de-ci de-là… ;-))

Bande d’enfleurés !

Je l’avais promis, je traînais un peu les pieds pour le faire car c’est quand même un peu de travail puis …on me l’a plus ou moins réclamé alors voici finalement un petit article sur…

Comment faire un enfleurage à la maison ?

(Comme au temps de Jean-Baptiste Grenouille … avec ses petites mains et deux ou trois autres bricoles !)

Fleurs d'abélia et chèvrefeuille

Fleurs d'abélia et chèvrefeuille après utilisation

A quoi ça sert ?

Le gros avantage c’est que vous pourrez obtenir sans les acheter des absolues plus ou moins diluées, selon le temps que vous y consacrerez et la quantité de matière végétale dont vous disposez. Ils seront de plus 100% naturels et de bonne qualité si vous faites ça correctement. Dernier avantage, vous pourrez obtenir un extrait odorant de vos fleurs préférées, si « muettes » soient-elles pour l’industrie du parfum.

Bon ce serait un très vaste sujet, je vais tenter de rester au plus simple et surtout, applicable dans votre cuisine !

Tout d’abord, petit rappel important de ce que j’évoque dans la partie « Les essences » paragraphe « Les absolues » de mon premier article .

Il existe deux façons d’obtenir des absolues à l’ancienne c’est à dire sans solvants chimiques volatiles type éther de pétrole ou hexane. Toutes deux s’appellent enfleurage (on les voit toutes deux dans le film « Le parfum » tiré du roman éponyme).

Il y a l’enfleurage à chaud fait en immergeant les matières dont on veut capter l’odeur dans un bain de corps gras plus ou moins chaud (jamais trop chaud quand même, les 100° du bain-marie au maximum…). Dans ce cas on utilise une huile ou une graisse fondant à une température assez basse pour ne pas avoir à trop chauffer.

Il y a ensuite l’enfleurage à froid et là en principe on utilise une graisse solide à température ambiante mais fondant là aussi à une température pas trop élevée.

En pratique :

Il vous faudra :

– Du temps … généralement un petit moment chaque jour pendant une semaine.

– Pas mal de matière odorante, le plus souvent des fleurs mais avec de l’imagination on peut trouver des tas d’autres choses qui conviennent…

– Un grand récipient plat et de quoi le couvrir plus ou moins hermétiquement.

– Une bouteille ou un grand flacon (de préférence à large goulot) avec bouchon ou bocal avec couvercle.

– Un corps gras inodore adapté (voir exemples plus bas) en quantité suffisante pour quoi remplir une bonne partie de votre bouteille ou faire une couche de quelques millimètres à un centimètre dans votre récipient plat.

-De l’alcool aussi pur et naturel que possible (minimum 70° mais préférer même 90° ou plus) à peu près le même volume que la graisse utilisée

– Quelques flacons vides

– Un chinois (passoire fine) et/ou une étamine (enfin un tissu fin solide et propre mais inodore quelconque fera l’affaire…).

– Film plastique et entonnoir(s) peuvent aussi servir.

Dans tous les cas il vous faut une graisse inodore donc désodorisée car attention, brutes elles sont presque toutes odorantes.

Solide à température ambiante, par exemple : beurre de karité, mangue, graisse de coco, palme ou soja (=huile de soja hydrogénée), saindoux et autres graisses animales désodorisées peuvent aussi faire l’affaire, il me semble d’ailleurs que c’est le saindoux qui fut la graisse la plus utilisée pour l’enfleurage à la belle époque.

Soit éventuellement une huile végétale désodorisée mais ça n’ira que pour l’enfleurage à chaud et même dans ce cas une graisse solide à température ambiante qui fondra dès que vous chauffez sera plus pratique car elle se figera ensuite facilement.

Dans un premier temps :

Le but est de saturer la graisse de molécules odorantes.

Dans le cas d’un enfleurage à froid prendre un grand récipient avec une couche pas trop épaisse de graisse fondue que vous laissez se solidifier. Pour ma part je le couvre d’un couvercle qui évite salissures et odeurs parasites, en plus il retient l’odeur des plantes utilisées mais ça impose de faire attention à l’eau présente dans les plantes et à sa condensation pour éviter la moisissure.

Vous poserez donc vos plantes (le plus souvent on fait l’enfleurage à froid sur des fleurs, d’où son nom…) vous poserez donc vos fleurs sur la graisse. Ensuite il faudra les retirer pour en poser d’autres, si possible au moins une fois par 24h pour éviter la moisissure.

S’il y a de l’eau de condensation faites-la couler ou enlevez-là délicatement à l’aide de papier absorbant au remplacement des fleurs, la encore ça limitera les risques de moisissure.

Fleurs de chèvrefeuille posées sur la graisse dans leur récipient couvert

Fleurs de chèvrefeuille posées sur la graisse dans leur récipient couvert

Il faut répéter l’opération plus ou moins longtemps selon les fleurs, une semaine est généralement une bonne durée et il faut donc prévoir sept « cargaisons » de fleurs fraîches ce qui peut déjà représenter une bonne quantité selon la surface de graisse à enfleurer.

Dans le cas de l’enfleurage à chaud (à privilégier pour des plantes aromatiques dont vous savez que l’on peut tirer une huile essentielle) on prend sa bouteille ou bocal que l’on remplit partiellement d’huile, selon la quantité de plantes à y plonger. Et de la même façon qu’à froid on renouvelle les plantes un bon nombre de fois selon le temps et la masse de matière première dont on dispose. (Une dizaine de fois c’est généralement bien pour des fleurs. Ca dépend évidemment des quantités de molécules aromatiques dans la plante de départ mais on peut saturer la graisse plus ou moins facilement, j’ai fait un seule passage pour de la lavande et c’était déjà pas mal du tout.)

Evidemment à chaud la différence est qu’on laisse les matières au contact de la graisse moins longtemps vu que le bain-marie accélère la diffusion des substances aromatiques. On peut donc compter une quelques dizaines de minutes par bain (plus ou moins suivant l’épaisseur des végétaux utilisés) et de ce fait 10 bains peuvent éventuellement se faire en quelques heures.

On peut évidement adapter la température de l’eau du bain-marie et de façon inversement proportionnelle, la durée des bains, suivant la fragilité des molécules odorantes de la plante…

Deuxième étape :

On fera passer autant que possible les molécules odorantes dans l’alcool (question de physico-chimique il y aura un équilibre selon la solubilité des molécules dans la graisse et dans l’alcool et vous ne pourrez pas aller au delà… il en restera toujours dans la graisse).

Pour ça il faudra placer votre graisse dans une bouteille ou un bocal fermé et y mélanger un volume à peu près égal d’alcool à la graisse.

On agitera copieusement, plusieurs minutes (dizaines de minutes si on est motivé ou qu’on a un agitateur mécanique).

(Pour de grosses quantités : un batteur à main, électrique ou un mixeur pourrait être utilisés mais attention, ne pas trop chauffer et passez à travers un film plastique ou autre chose qui assure l’étanchéité autour du batteur. Si l’air circule et qu’on chauffe un peu fort on risque de retrouver tout ce qui nous intéresse dans l’air de la pièce… A mon avis, agiter le mélange dans un récipient fermé est préférable pour de petites quantités… si vous en faites 50 litres évidemment pensez au batteur électrique.)

Troisième étape :

Décantation, refroidissement, filtration…

C’est assez simple si ce n’est qu’il vaut mieux que ça décante assez longtemps avant que la graisse ne se solidifie, donc refroidir doucement, pourquoi pas en laissant l’eau de bain-marie se refroidir avec le reste ou en entourant votre récipient d’un linge car le but est de ne pas solidifier les goutte(lette)s de graisse encore en suspension dans l’alcool mais un bloc de graisse séparé de l’alcool (Vous verrez contrairement à l’eau, l’alcool devrait se trouver au dessus de la graisse, c’est encore plus pratique).

Décantation alcool/graisse

Décantation alcool/graisse

Ensuite on achève le refroidissement au réfrigérateur voire congélateur suivant les cas (la graisse utilisé), ça permet de raffermir la graisse.

Malheureusement prévoyez que tout n’est pas parfait, des acides gras seront entrainés par l’alcool… et de l’alcool sera retenu par la graisse. On peut éventuellement répéter l’opération de décantation refroidissement sur l’alcool et idem sur la graisse que l’on aura faite fondre à nouveau, ça permettra de séparer un peu mieux graisse et alcool chargé des précieuses substances aromatiques…

En tous cas, ne jetez pas la graisse utilisée avant de m’avoir lu jusqu’à la fin !

Voilà, vous avez une solution alcooliques des substances aromatiques que vous souhaitiez extraire.

Par rapport à une teinture : Ca permet de limiter l’extraction des substances colorées qui sont rarement elles aussi solubles à la fois dans la graisse et l’alcool et qui restent donc souvent en chemin… En plus on utilise finalement plusieurs fois la quantité de plantes qu’on aurait mise dans une teinture donc c’est plus concentré.

[Détails un peu plus abstraits et moins intéressants pour certains d’entre vous : Une partie des substances passant dans la teinture peuvent se lier à vos molécules odorantes, c’est un des problèmes qu’on peut avoir avec la chlorophylle des parties vertes, soluble dans l’alcool et qui retient certaines molécules si bien qu’au final on a tendance à moins pouvoir les sentir (en plus ça tâche…).  Pour finir , je pense que c’est plus anecdotique mais certaines molécules odorantes (parfois indésirables) passeront directement dans l’alcool alors qu’elles seront plus ou moins insolubles dans la graisse, ça peut aussi faire un tri intéressant dans certains cas.]

Pour ma part, grâce aux vacances, abélia (grandiflora), chèvrefeuille, café (oui… péruvien même), sépales de sauge officinale et lavandes variées ont eu droit à leurs enfleurages avec un soin plus ou moins grand et des résultats eux aussi divers. Des surprises mêmes bonnes ou moins bonnes mais en tous cas la technique s’affine et …c’est moi qui l’ai fait ! 😀

Pour ceux qui seraient tentés par l’expérience, chèvrefeuille et lavande ont donné les meilleurs résultats, l’abélia vient juste après ces deux là. (Enfleurage à froid avec fleurs renouvelés 7 fois, toutes les 24 heures à peu près, selon météo…  pour chèvrefeuille et Abélia, enfleurage à chaud en une seule fois pour les lavandes.)

Abelia grandiflora

Abelia grandiflora (une caprifoliacée...)

Abélia et chèvrefeuille ont leurs personnalités olfactives propres et en avoir fait ces extractions est pour moi un vrai bonheur, non seulement j’apprécie les odeurs de ces fleurs et les résultats sont plutôt au dessus de ce à quoi je m’attendais mais en plus il est impossible de les trouver à l’achat, rien qui soit tiré de ces fleurs ne se vend pour la parfumerie, certains disent même parfois que le chèvrefeuille est « muet ». Muet dans la production commerciale c’est certain, preuve est pourtant faite ici qu’on peut en faire un enfleurage au résultat enchanteur !

Dernières idées/astuces :

– Pour toutes celles et ceux qui ne s’intéressent pas qu’aux parfums mais aussi aux cosmétiques faits maison, la graisse utilisé reste bien parfumée et peut donc se prêter à diverses utilisations… (en tenant compte qu’il a tendance à y rester un peu d’alcool, voir troisième étape…)

– Pour les plus motivés ayant assez de matière première, rien n’empêche de recommencer tout le cycle avec (de préférence) la même graisse et surtout avec le même alcool qui pourra ainsi s’enrichir en molécules aromatiques au maximum de ce que les solubilités et leurs équilibres permettent…

– La plupart des fleurs sont à ramasser par temps sec mais idéalement avant le lever du soleil ou après son coucher. Les fleurs sont souvent plus odorantes à ce moment là. Bien que certaines plantes fassent exception à cette règle, c’est vrai pour les deux caprifoliacées de cet exemple mais également pour la rose et le jasmin.

Abélia au petit jour

Encore l'abélia... à l'aube ou comme ici au crépuscule, il est plus odorant !

– Ah et un dernier détail, comme j’ai supposé que vous n’aviez pas d’évaporateur rotatif sous vide… je n’ai pas parlé d’évaporer l’alcool comme on le fait en principe à la fin mais si vous n’avez pas peur de perdre les fractions les plus légères de votre extrait, vous pouvez concentrer votre absolue par une simple évaporation flacon ouvert. Préférer l’évaporation lente dans un haut flacon contenant votre extrait dans le fond et ouvert simplement en partie haute. Les molécules aromatiques et moins volatiles que l’alcool auront tendance à rester en gouttelettes huileuses sur les parois du flacon au dessus du niveau de la solution alcoolisée. De la graisse se figera peut-être également à nouveau et pourra donc être retirée, à la fin on ajoute à nouveau un tout petit peu d’alcool ou de solution issue de l’enfleurage pour « rincer » le flacon en récupérant bien notre absolue.

Bon voilà je vous ai tout dit. Rien de révolutionnaire, la technique est même historique mais je pense que de l’avoir rappelée en détail et adaptée pour une version bricolée dans un coin de cuisine ça va aider du monde à se faire plaisir, en tous cas je l’espère.

Quand je vois sur la grande toile le monde qui se passionne pour les cosmétiques voire les parfums maison et utilisent souvent leurs propres teintures je n’ai pas de doutes, ça servira car l’enfleurage maison c’est un peu plus de travail mais ça vaut le coup, c’est plus proche de l’absolue !

Si vous faites vos propres essais n’oubliez pas de nous faire partager les résultats de vos expériences en commentaires par ici !

Au sujet des matières premières…

Puisque j’ai déjà évoqué le fait que j’avais choisi de ne m’intéresser qu’aux matières naturelles comme bases de mes créations, je vais commencer par quelques explications sur ces matières, en essayant de trouver un équilibre entre détails nécessaires et excès d’explications techniques…

Différentes catégories :

Si l’on met de côté les molécules organiques synthétiques, généralement issues du minéral (pétrole) dont les chimistes inondent généreusement la parfumerie actuelle, il ne reste que des matières d’origine végétale ou animale.

« Origine animale » ?

Je suis certain que ça en fera réagir plus d’un(e)… Alors petite explication :

Les matières animales ne nécessitent pas forcément d’acte de cruauté envers les animaux, la « Pierre d’Afrique » par exemple ou hyraceum, ingrédient glamour par excellence, est produite par le Daman du Cap (procavia capensis), un petit mammifère d’Afrique du Sud ayant l’apparence d’un gros rongeur. L’hyraceum est de l’urine riche en phéromones déposée toujours au même endroit par les membres d’une colonie pour marquer leur territoire. Après plusieurs siècles de vieillissement, l’urine séchée se pétrifie et prend une belle teinte brun sombre. Ce produit est ensuite dissous dans de l’alcool ou d’autres solvants et peut fournir une absolue utilisée en parfumerie.

Le Castoreum quand à lui est issu de glandes de castors, là c’est un peu plus violent puisqu’on est obligé de tuer l’animal… Mais il peut être prélevé sur des animaux qui sont tués également pour leur chaire et sont issus d’élevages canadiens, donc après tout si vous mangez de la viande l’utilisation de castoréum ne devrait pas vous traumatiser.

Matières d’origine végétale

Je ne vais détailler que celles que j’utilise principalement, à savoir :

Oléorésines, essences (au nombre de 3 : huiles essentielles, extraits au CO2 supercritique, absolues)

et arômes naturels… un peu détournés de leur usage normal.

J’aurais pu évoquer l’infusion, les teintures et pourquoi pas …le rhum ou d’autres choses originales mais ce sont là des matières d’un usage plus marginal. Le « fractionnement » sera quand à lui abordé un de ces jours de par son importance pour le parfumer moderne et son intérêt théorique, même si personnellement je n’en utilise pas pour le moment et ne suis pas très tenté de le faire.

Les oléorésines

Sont à la base des sécrétions naturelles issues de certains végétaux tels que les exsudats des conifères, des copaïers et de quelques autres, formées d’une essence et de la résine résultant de l’oxydation de cette essence. On recueille généralement les oléorésines par incision de l’écorce du végétal mais par extension les substances aromatiques résineuses extraites par solvant se voient appelées oléorésines, c’est le cas par exemple des extraits concentrés épais tirés de la vanille par macération dans l’éthanol puis évaporation.

Les essences

Sont des concentrés de molécules odorantes volatiles extraites des glandes à essence de certaines parties de végétaux aromatiques. Par extension cette catégorie inclut les absolues qui ne sont généralement pas issues de glandes à essence de végétaux mais de matières végétales ou animales dont on parvient tout de même à tirer un concentré de molécules aromatiques par des moyens plus performants impliquant des procédés d’extraction en deux temps (expliqués un peu plus bas sur cette page).

Elle peuvent être obtenues par simple expression à froid dans le cas des hespéridés (les zestes d’agrumes sont en effet rappés par grattage puis pressés)

Dans le cas des huiles essentielles, cette extraction se fera par circulation de vapeur d’eau sur les végétaux généralement frais et plus rarement secs.
Il existe parfois une confusion entre huile essentielle et essence. Dans le végétal nous avons affaire à une essence qui une fois extraite se voit appelée huile essentielle pour préciser qu’elle a été extraite par distillation à la vapeur d’eau.
Obtention d’une huile essentielle :
Distillation d'une huile essentielle

Dans le cas de l’extraction dite « au CO2 supercritique » on utilise du dioxyde de carbone froid sous pression qui se trouve dans un état mi liquide mi gazeux appelé état « supercritique ». Cela nécessite un équipement moderne complexe et de grande dimension mais présente l’avantage de présenter un bon rendement en permettant d’extraire certains composants trop peu volatiles pour être extraits par la vapeur d’eau tout en préservant certaines molécules fragiles qui auraient pu être cassées par la chaleur.

Les absolues (parfois appelées absolus) sont quand à elles (ou eux…) le résultat d’une double extraction par des solvants.
La plus ancienne méthode utilisée pour leur obtention était celle appelée l’enfleurage.
La première étape utilisait les excellents solvants naturels de molécules odorantes que sont les graisses ou huiles désodorisées, à froid ou à chaud selon la fragilité des fleurs.

Un exemple d'enfleurage artisanal

Exemple d'enfleurage artisanal

A chaud les fleurs étaient plongées directement dans la graisse fondue ou l’huile chaude dans laquelle elle macéraient quelques heures.
A froid on utilisait des tissus imprégnés d’huile, des plats en céramique ou en verre et plus récemment (voir actuellement, même si c’est devenu rare) des châssis constitués de plaques de verre fixées dans des cadres en bois sur lesquels était étalée de la graisse. Sur ces supports enduits de matières grasses on plaçait les fleurs qu’on remplaçait plusieurs fois et dont elles absorbaient l’odeur.

Que l’enfleurage ait été fait à froid ou à chaud, l’huile ou la pommade odorante obtenue était ensuite battue dans l’alcool puis décantée et filtrée pour séparer l’alcool chargé de molécules aromatiques de la graisse qui les lui avait cédées.

Vieille photo montrant un atelier d'enfleurage

De nos jours, le plus souvent on utilise un solvant organique volatil synthétique (hexane, alcool benzylique ou autres…)
que l’on évapore ensuite pour obtenir une pâte contenant essentiellement les cires et molécules aromatiques du végétal, pâte appelée concrète (pour les végétaux soumis frais à l’extraction) ou un résinoïde (pour les végétaux utilisés après séchage). De même que dans le cas des enfleurages, afin de ne conserver que les éléments solubles dans l’alcool qui sont les plus aromatiques on procède à un mélange de la concrète ou du résinoïde avec de l’alcool par battage, souvent en chauffant. Le mélange est ensuite refroidi, décanté, filtré (on en retire ainsi en particulier des cires végétales…).

Tant dans le cas d’un enfleurage que d’une extraction par solvants volatils, on évapore ensuite le deuxième solvant qu’est l’éthanol, généralement sous vide, pour obtenir enfin l’absolue, qui est sans doute la matière la plus spécifiquement adaptée à la parfumerie alcoolique et la plus utilisée même si elle est parfois utilisée à des fins médicinales en aromathérapie.

Les « arômes naturels »

Là ça se complique un peu car les procédés d’obtention sont multiples.
Les arômes naturels peuvent être d’origine végétale ou animale. Ils doivent n’avoir subi qu’un nombre limité de transformations autorisées (extraction, concentration, distillation, torréfaction, fermentation ou réaction enzymatiques) et aboutir en tous cas à des préparations compatibles avec une consommation humaine…
Il n’est pas rare que l’on parte de jus pour les fruits et d’infusions pour le thé, le café ou plantes aromatiques.
Ces extraits étant passés à l’évaporateur rotatif avant d’être à nouveau mélangés en concentration souhaitée dans une base alcoolisée ou sucrée selon l’arôme…
(Et non pour une fois même si le schéma de l’évaporateur est un peu impressionnant, ça n’a rien de chimique !)

Leur plus fréquent inconvénient pour la parfumerie est donc d’être fréquemment sucrés… Mais le sucre semble pouvoir être en partie éliminé au glaçage du parfum, surtout à degré alcoolique élevé.

Schéma type d'évaporateur rotatif

Les goudrons ou huiles issues de pyrolyse

Principalement utilisée pour des bois (cade, bouleau, pins, chêne… le plus réputé en parfumerie étant le goudron de bouleau) la pyrolyse (pouvant étymologiquement se traduire plus ou moins par destruction ou liquéfaction par la chaleur) est un procédé consistant à distiller du bois à sec en le brûlant finalement dans la cuve de distillation et à en recueillir la fumée condensée sous forme d’une huile épaisse et noire qui présente évidemment une forte odeur …de fumée.

Schéma de pyrolyse du cade

Schéma de pyrolyse du cade