Une molécule

Oui mais naturelle !

En effet je vais parler d’une molécule, je ne pense pas le faire très souvent mais celle-ci le mérite.
Elle est présente dans de très nombreuses huiles essentielles et souvent en proportion significative et on peut la trouver à l’état presque pur de façon totalement naturelle puisque l’huile essentielle de bois de hô en contient environ 98 à 99%.

Je veux parler du LINALOL

Parfois appelé « alcool linalylique » c’est un composé incolore mais… odorant.
formule topologique du linalol (source: wikipédia)Tube à essai, fond nature

Pour décrire son odeur c’est un peu difficile, on la rapproche couramment de celle du muguet, en fait elle est surtout fraîche et douce mais assez indéfinissable, plutôt neutre.

Neutre ? Curieux mot pour essayer de donner une représentation d’une odeur, floral, verte, fruitée, poudrée et quelques dizaines voir centaines d’autres mots pourraient être employés pour définir une odeur et il ne trouve rien de mieux à dire que « neutre » !

En fait je suis désolé mais non, je n’ai pas trop d’autre mots pour elle que fraîche et douce…
Sur un autre blog (coumarinepetitgrain pour ne pas le citer…) Le Gnou a eu cette formule très jute pour la qualifier, c’est une sorte de « page blanche » olfactive !

A mon avis ça pourrait résulter du fait que cette molécule est un peu partout ou presque dans les huiles essentielles et de ce fait notre cerveau peine à coller une image ou un nom précis sur le souvenir de cette odeur.

En fait si vous y ajoutez ne serait-ce qu’un tout petit peu de géraniol et de limonène (typiques respectivement du palmarosa et du citron…) ça ressemble à du bois de rose, une grosse poignée d’acétate de linalyle (qui dérive du linalol lui-même) plus une pincée de béta-ocimène et d’acétate de lavandulyle et ça vous fait presque une lavande. Une pincée de béta-élémène, de 1-8,cinéole (typique du ravintsara mais présent dans bon nombre de lauracées et myrtacées voir lamiacées) et de l’eugénol (typique du clou de girofle) ça vous fera sans doute plus ou moins penser à un basilic « à linalol ». Les exemples de ce type pourraient être multipliés par dizaines mais je vais m’arrêter là. (En plus je dis ça pour schématiser, le linalol est assez ubiquitaire mais la nature fait bien mieux que ces grossiers mélanges puisque dans la plupart des huiles essentielles des plantes évoquées on trouve  tout de même plusieurs dizaines voire centaines d’autres molécules à des teneurs moindres, qui participent pourtant parfois beaucoup à la spécificité olfactive de l’ensemble)

Et à part ça ? A part ça, il est médicinal et …potentiellement allergisant.
Bien que peu toxique et peu agressif pour la peau et les voies respiratoires, c’est en effet une substance active, antibactérienne, antivirale (en particulier sur les adénovirus, responsables de nombreuses pharyngites, pneumonies, conjonctivites et gastro-entérites, voir cette publication)  et même cicatrisante, en fait elle serait responsable d’une large part des effets thérapeutiques connus de plusieurs huiles essentielles ! (basilic à linalol, lavande, bois de rose…)
Elle est pourtant listée comme potentiellement allergène.

** Au sujet des allergènes et des parfums **
C’est un sujet complexe…voyez ce lien si intéressés, toutefois je pense faire un jour un article là-dessus car il y aurait beaucoup à dire. Même la société française des parfumeurs est critique sur la façon dont les molécules naturelles des huiles essentielles sont traitées par la législation. Comme par hasard, 26 allergènes listés, 19 naturels et seulement 7 synthétiques malgré les innombrables molécules inventées et vendues par la chimie. Encore des histoires de business et de lobbies !

En fait qu’en est-il ? Comme « allergisant », selon certaines recherches et publications scientifiques récentes (Linalool–a significant contact sensitizer after air exposure.), il semble surtout que (comme d’autres molécules aromatiques) ce soit son oxydation qui le rende « sensibilisant » et allergisant. Mais… ça tombe bien, dans les parfums on utilise en principe des antioxydants capables d’éviter ce phénomène.
Généralement chimiques et peu recommandables (BHT, BHA, j’en parlerai aussi à l’occasion…), la nature nous en a toutefois donné un grand nombre et de très performants. Il en existe un en particulier que j’ai personnellement retenu dans mes compositions, incolore, inodore et sans danger,  miscible à nos parfums et présentant une bonne affinité pour la peau, son seul défaut serait d’être un peu gras si on en abusait mais il n’est pas nécessaire d’en utiliser beaucoup et en pratique nul problème…
Il se nomme simplement : vitamine E (ou tocophérol).

Bon, vous me direz, aucun défaut alors ? Et en fait si, de mon point de vue le linalol applati un peu les compositions, il arrondi parfois trop les angles (un peu comme je le ressens avec la coumarine, une autre molécule qu’on trouve dans des matières naturelles) mais à part ça c’est une molécule de base facile à trouver dans la nature, utilisable dans de nombreuses créations parfumées, présentant des propriétés intéressantes pour la peau et en matière de protection contre les microbes. En plus elle n’est finalement pas particulièrement allergisante dès lors qu’elle est manipulée et accompagnée comme il se doit pour la protéger de l’oxydation.

Alors, n’est-elle pas intéressante cette molécule ?