Goudronnée

Les huiles de pyrolyse ou « goudrons »

Des concentrés liquides de fumée…

Wikipédia nous dit que « Les goudrons sont des produits de distillation destructive sous pyrolyse. Le nom anglais, tar, est une rétro-acronymie de total aerosol residue. Ils sont composés de centaines de substances chimiques, dont plusieurs sont considérées comme potentiellement cancérigènes ou dangereuses. Parmi celles-ci, on trouve notamment des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des amines aromatiques et des composés inorganiques. » Et on utilise ça en parfumerie ? Ca fait presque un peu peur, non ? (Evidemment c’est interdit par l’IFRA… sauf si on utilise une huile rectifiée et « If used alone or in combination with rectified birch tar oils, benzopyrene and 1,2-benzanthracene are to be used as markers for PAHs. The total concentration of both of these should not exceed 1 ppb in the final product. »)

En même temps pour éviter totalement ces substances, il ne faudrait pas faire de barbecue, ne pas inhaler de fumées d’aucune sorte, ne pas manger de viandes ou poissons « fumés » et surtout ne jamais faire brûler une gouttelette d’huile sur sa plaque chauffante !

Et puis les goudrons sont puissamment odorants, il suffit de très peu en mettre.
Et de toutes façons je le répète une fois de plus, la place d’un parfum , naturel ou synthétique, n’est pas sur la peau !

En particulier le cade

En latin Juniperus oxycedrus, c’est un genévrier dont l’ « huile » peut assez bien remplacer le goudron de bouleau plus difficile à trouver.

Il ne faut pas confondre cette « huile de cade » avec l’huile essentielle de cade, la première est un goudron liquide très noir et opaque à puissante odeur de fumée, la seconde est bien transparente pratiquement incolore et sans grande originalité, elle sent un peu l’huile essentielle de certains pins, ou celle de son cousin le genévrier commun.

Si l’on met de côté ses multiples utilisations thérapeutiques (ou répulsives d’insectes…) on trouvera une utilité à cette huile en parfumerie afin de produire une note fumée ou dans un accord cuir.

Sa puissance est extrême, il ne faut pas hésiter à l’utiliser prédiluée.

Concentrée on y retrouve la facette acide des fumées de bois et j’y retrouve alternativement la fumée d’un concentré de saumon fumé plutôt écoeurant et un côté vieux goudron « classique » que je ne saurais mieux définir mais que j’ai du sentir dans des produits de traitement du bois, sur de vieilles traverses de chemin de fer et dans du mastic de cicatrisation pour les arbres…

Diluée elle prend toutes sa dimension et nous pouvons enfin comprendre son intérêt, elle est d’une douce rugosité, chaude et rassurante comme un feu de camp, elle nous ramène au réconfort et à la sécurité que l’homme a de longue date pu ressentir au coin du feu…

Image du film "La guerre du feu"

Image du film "La guerre du feu"

En effet elle sent finalement le feu de cheminé, celui qu’on sent aussi dans les petits villages de montagne en hiver. Une odeur presque indissociable de la présence humaine, une odeur de campement, d’homme et d’animaux tués, de viande fumée, de cuir…
Est-ce justement parce qu’elle nous renvoi aux choses essentielles pour l’homme primitif qu’on lui trouve un côté cuir ?   Pour autant que je sache le cuir n’est pas fumé, ni tanné au goudron … alors pourquoi ?
Certains diront que ça vient de l’odeur de cuir des bottes russes imperméabilisées au goudron de bouleau. On comprend que ces bottes aient pu inspirer les parfumeurs quand on sait que le « cuir de Russie » était un cuir de vache préparé et teint en Russie grâce à du « santal odorant » (probablement du santal rouge, un faux santal en fait, issu d’un arbre bien différent de ceux du genre Santalum).

Mais de nos jour, qui a en mémoire l’odeur de ces bottes en cuir de Russie ?

Si nous associons volontiers l’odeur de la fumée et du goudron à une idée de cuir c’est certainement du fait d’une sorte d’instinct olfactif, de mémoire collective, plus que de l’anecdotique botte en cuir de Russie imperméabilisé !
L’homme a dû sentir la peau de bête séchée et fumée au coin du feu.

Nous n’y étions pas mais l’Homme a forcément vu et senti ça !

Une belle matière, animale et intemporelle, à manier d’une main légère pour un voyage olfactif aux origines de l’homme.