Après-midi mariosephofayettesque

Une histoire de Patchoulis perdus

Parti pour sentir Intriguant Patchouli et Patchouli Patch… (un samedi après-midi de début des soldes, mauvais choix). Je n’ai trouvé ni l’un ni l’autre et fonçant d’une petite parfumerie à un mario puis d’un seph aux fayettes… j’ai dû me faufiler entre une foule bariolée d’adeptes du sens-bon et de gentilles potiches aux allures de vendeuses pour finir quasi paralysé d’effroi à la vision d’une emo bitch de chez « Seph… » sur laquelle était écrit « Profitez de moi c’est mon dernier jour chez Seph… » et dans le dos « -50% » !

Emo girl

La vendeuse de parfum de demain ?

Soit la fille avait de l’aplomb et a eu elle-même l’envie d’une petite provocation qu’ils ont étonnamment accepté pour son dernier jour, soit ce sont eux qui lui ont demandé de bien vouloir se plier à ce « débizutage » et dans ce cas-là je dirais que ça me semble limite humiliant, que la pauvre fille a été trop gentille d’accepter et qu’elle sera sans doute durablement traumatisée d’avoir dû errer entre les rayons dans cet accoutrement qui a dû lui valoir toutes sortes de remarques sympathiques, agressives ou vulgaires… Le « profitez de moi » ayant du faire réagir les nombreux « beaux gosses » en plein bourgeonnement de testostérone qui traînaient dans les allées.

Bref, à part le trop de monde, trop d’odeurs, trop chaud et pas assez de formation pour les vendeuses, les parfums que je cherchais ont brillé par leur absence, si bien que je me suis rabattu sur toutes sortes de choses susceptibles de m’intéresser ou au moins de répondre à ma curiosité.
Mais la prochaine fois je trouverai la boutique de l’Artisan Parfumeur, son Patchouli Patch et le reste … ça fera l’objet d’un autre billet.

En attendant, comme choses (parfois re)découvertes ce samedi il y eu donc :
(Par ordre de préférence personnelle, du pire au meilleur)

Fracas de Piguet (Germaine Cellier, reformulation actuelle par Pierre Negrin)
Jasmin Noir de Bvlgari -prononcer bulgari- (Carlos Benaïm et Sophie Labbé de chez IFF)
Belle d’Opium d’Yves Saint Laurent (Honorine Blanc et Alberto Morillas, Firmenich)
Patchouli Molinard de Molinard (Peu importe…)
Louve de Serge Lutens (Christopher Sheldrake et Serge Lutens)
Idyle de Guerlain (Thierry Wasser)
Datura Noir de Serge Lutens (Christopher Sheldrake)
Cuir Blanc d’Evody (Mystère…)
Cuir Mauresque de Serge Lutens (Christopher Sheldrake et Serge Lutens)
Patchouli de Réminiscence de Réminiscence (Selon les auteurs M. Sozio en collaboration avec Zoé Coste ou Nino Amaddeo, Zoé Coste et Lilla, fille de Zoé Coste avec l’assistance d’un nez connu… sans doute Sozio ?)

Fracas

Heu… que dire… un début… débutant (j’ai oublié, ça n’a pas dû me marquer)
Un cœur vaguement floral capiteux et doux glissant très vite vers …la serviette de toilette trop longtemps réutilisée ou l’éponge qui a trop traînée. De tubéreuse il ne reste que la légende, peut-être s’est elle perdue dans la reformulation mais même en la reconstituant on aurait probablement pu mieux faire.
Globalement j’ai trouvé ça détestable et après avoir gardé la mouillette 3 jours pour vous écrire ce billet en ayant une trace de sa note de (fin)fond, ça sent toujours le truc moisi que je suis très heureux de pouvoir flanquer à la poubelle sans plus attendre !

Jasmin Noir

Alors jasmin paraît-il … mais depuis quand n’ont-ils pas senti un jasmin ???
On sent bien qu’ils ont voulu faire quelque chose de floral et un effet « noir » mais pour moi c’est chimique de bout en bout et surtout nulle trace du jasmin annoncé, de plus une molécule m’écœure, je ne sais pas laquelle mais pour ma truffe c’est insoutenable. (Une surdose d’anthranilate de méthyle peut-être ?
Il a une bonne tenue par contre, mais en l’occurrence pour moi ce serait plus un défaut…
Oubliez ça et allez sentir un Jasmin de Nuit de The Different Company si vous voulez un jasmin du soir plus honorable !

Belle d’Opium

Bon, on arrive dans le domaine du supportable, enfin pas la note de tête était d’une dissonance à presque me faire lâcher la mouillette. Un côté fruité floral (aux vraies pelures de fruits mélangées ?) indéfinissable…
Ensuite ça se fait plus harmonieux dans le fruité floral glissant vers l’ambré mais pas très original, pour finir sur un honnête fond à souvenir floral, oriental avec un côté tabac vaguement coumariné… du classique, ça doit pouvoir plaire. Trop fleur blanche synthétique pour moi en tous cas.

Patchouli Molinard

Le premier de la liste que je n’ai pas retrouvé repoussant. Sans grand intérêt certes mais acceptable avec un côté assez naturel.
Par contre, encore un qui ne tient pas bien ses promesses, le patchouli y est très fugace, on l’imagine plus qu’on ne parvient à le sentir .
En tête, une déferlante d’hespéridés, c’est frais, acidulé, pour moi c’est un parfum d’homme.
L’effet Cologne tourne vite au savon à barbe, pas désagréable mais plus que classique.
La tenue est très modeste, on a tout de même un petit côté oriental en fond mais c’est du léger et toujours sans patchouli…

Louve

Pour du Lutens… Contrairement à certaines personnes je trouve cette louve originale, pas franchement orientale, d’une tenue bien modeste et globalement pas très réussie (pour du Lutens en tous cas) mais sympathique tout de même.
En tête … surprise je n’ai pas pu m’empêcher de sourire largement comme je l’ai lu sur le blog Ambre Gris.
En effet j’ai trouvé sympathique car osée cette grande bouffée d’amande doucement amère.
Pour les connaisseurs c’est probablement plus de l’héliotropine avec un soupçon de benzaldéhyde, ça fait son petit effet inattendu. Ensuite ça glisse doucement vers le floral poudré, un côté rose et un fond franchement mimosa.
Mon principal regret le concernant, trop discret pour les notes de cœur et de fond, ça manque de tenue.

Idylle

Pour du Guerlain… Je dois dire que j’aime bien le muguet, ça tombe bien, ça m’a amusé tellement c’était muguet.
En tête très muguet vert, en cœur moins vert mais très muguet… Et c’est là que ça devient moins drôle, elle est où ma guerlinade ?
En fait il semble qu’ils ait décidé de l’oublier, ou alors c’est un problème de traduction, un allez-retour du français à l’anglais et ils on cru bon d’y mettre de la girlienade, un truc de fille, de petites filles même. Car à trop chercher la guerlinade on trouve un côté fruité qui glisse vers un fond de musc synthétique des plus passe-partout et médiocres.
Un joli muguet pour jeunes filles mais pas d’originalité, pas beaucoup de tenue non plus avec un fond quasi inexistant, on savait faire mieux que ça chez Guerlain dans le temps.

Datura noir

Tout un programme, une belle fleur narcotique dont l’odeur m’est finalement inconnue. (Oui, nobody’s perfect…)
A nouveau ce n’est pas mon Lutens préféré, loin de là, en fait je le trouve assez linéaire, floral et capiteux du début à la fin.
Bonne tenue, un peu le défaut du Jasmin Noir décrit un peu plus haut mais en Lutens la molécule suspecte reste supportable.
Pour qui ne craint pas cette odeur non identifiée qui me dérange un peu c’est sans doute un beau parfum de fleur blanche et capiteuse à laquelle on a donné des accents nocturnes et narcotiques.

Cuir Blanc

Découverte d’Evody… Honnête, pas de quoi en faire des tonnes non plus mais l’entrée en matière au cuir assez présent est sympathique. C’est un peu aromatique, limite épicé, assez harmonieux. Ca tourne vite au floral poudré avec un ambré et de bout en bout un cuir blanc en filigrane sympathique pour qui le veut discret. Pas d’extravagante originalité, un cuir chic et propret.

Cuir Mauresque

Un Lutens digne de Monsieur.
Avec ce troisième Lutens de ma petite série du samedi je retrouve enfin une chose digne de sa signature.
Enfin du caractère et des promesses tenues, car dans ce cuir mauresque vous ne chercherez ni le côté cuir, ni le côté mauresque, les deux y sont clairement. En tête un vrai cuir vous chatouille délicatement les narines. Ensuite je ne veux pas détailler chaque facette de peur que ma mémoire me joue des tours mais on trouve une bonne profondeur de notes épicées et un côté oriental proche de la pâtisserie. En lui cherchant vraiment un défaut (autre que les inévitables mais discrètement harmonisées notes de synthèse) on pourrait dire que vers la fin le côté cuir laisse un peu trop la place à l’ambré musqué mais sinon c’est presque un sans faute.

Et finalement celui qui restera vraiment mon préféré et seul véritable plaisir de ce samedi

Patchouli de Réminiscence

(Version eau de toilette « normale »)

Oh mais quoi de plus classique qu’un patchouli me direz-vous. Et en plus celui-ci l’est véritablement !
A quoi je vous répondrai sans hésiter qu’il vaut mieux un beau classique qu’une clinquante chose moderne.
Cette chose si classique je pourrais en parler longuement mais je vais essayer de m’en tenir à l’essentiel.

Il est franc, en tête c’est une bonne bouffée de patchouli véritable qui vous frappe de plein fouet faisant plus penser à une chose terreuse et masculine, puis rapidement le patchouli s’affine sur des notes de cèdre et vétiver. La symphonie réussie de l’accord ambré gourmand du labdanum à la coumarine et de la vanille balsamique monte progressivement en arrière plan, faisant prendre conscience que cette gourmandise est ouverte à tous. Hommes comme femmes, jeunes ou vieux.
La tenue est exceptionnelle, trois jours après je retrouve encore sur la touche mon patchouli vetiver vanillée comme une pâtisserie orientale. L’ambre synthétique reste assez discret pour ne pas me gêner.

Il n’est pas original mais quel beau patchouli !
Bravo aux créateurs.

Patchouli

Patchouli

A noter qu’il en existe une version « light » à boite jaune (sur mouillette après avoir senti la version normale je ne sentais presque rien, logique… mais je n’ai repéré la boîte jaune qu’après coup.) et une version « élixir » eau de parfum que je n’ai pas pu tester.

Si vous en savez plus sur la création de ce parfum et sur ses créateurs (En particulier Sozio, qui aurait créé ou participé à la création de Mûre et Musc pour l’Artisan Parfumeur mais sur lequel on trouve peu de choses sur la grande toile), n’hésitez pas à nous renseigner par vos commentaires !

Le Parfum de la Dame en noir

Extraits du livre de Gaston Leroux publié en 1908
unis en un arrangement personnel.

A lire en écoutant ceci :
BO Le parfum de la dame en noir

Affiche du film "Le parfum de la dame en noir"

Affiche du film

Je sentis tout à coup son parfum, le doux et pénétrant et si mélancolique parfum de la Dame en noir, une odeur pleine de mélancolie, un parfum
pour tristesse intime. Quelque chose comme le parfum isolé et discret et tout à fait personnel d’une plante abandonnée, qui eût été condamnée à fleurir pour elle toute seule…

Mais c’était un bien doux et bien tyrannique parfum qui m’a comme enivré tout d’un coup, là, au milieu de cette bataille des eaux et du vent et de la foudre,
tout d’un coup, quand je l’ai eu saisi. parfum extraordinaire ! Ah ! extra-ordinaire, car j’avais passé vingt fois auprès de la Dame en noir sans découvrir ce que ce parfum avait d’extraordinaire, et il m’apparaissait dans un moment où les plus persistants parfums de la terre – et même tous ceux qui font mal à la tête – sont balayés comme une haleine de rose par le vent de mer. Je comprends que lorsqu’on l’avait, je ne dis pas senti, mais saisi (car enfin tant pis si je me vante, mais je suis persuadé que tout le monde ne pourrait à son gré comprendre le parfum de la Dame en noir, et il fallait certainement pour cela être très intelligent, et il est probable que, ce soir-là, je l’étais plus que les autres soirs, bien que, ce soir-là, je ne dusse rien comprendre à ce qui se passait autour de moi). Oui, quand on avait saisi une fois cette mélancolique et captivante, et adorablement désespérante odeur, – eh bien, c’était pour la vie ! Et le cœur devait en être embaumé, si c’était un cœur de fils, embrasé, si c’était un cœur d’amant, empoisonné, si c’était un cœur de bandit… Non ! non, on ne devait plus pouvoir s’en passer jamais !
C’était le plus délicat, le plus subtil et certainement le plus naturel, le plus doux parfum du monde et j’imaginais bien que je ne le rencontrerais plus jamais. Je restais avec son souvenir et avec son parfum … je vivais moins avec son image qu’avec son odeur.

Photo du film

Une photo tirée du film

Personnellement tout cela m’évoque un oriental floral et épicé façon Opium d’Yves Saint Laurent.

Opium d'Yves Saint Laurent

Opium d'Yves Saint Laurent

 

 

D’ailleurs, la dame est en noir ici aussi…

Narcisse Noir de Caron (Photo par un vendeur e-bay, qu'il me contacte si il ne souhaite pas que je l'utilise ici...)

 

 

 

 

 

Ou alors un Narcisse Noir de Caron, même s’il est plus fruité…

Narcisse Noir de Caron

Narcisse Noir de Caron

Ou pourquoi pas un floral boisé chic façon Jasmin Noir de Bulgari (que j’aime d’ailleurs plus en photo qu’à sentir tant je le trouve synthétique) ou mieux encore un Datura Noir de Serge Lutens qui est plus ambré et à mon avis bien meilleur !

Jasmin Noir de Bulgari

Jasmin Noir de Bulgari

Datura nocturne

Un beau Datura (photographe inconnu...)

En tous cas ces rêveries me donnent un projet de création personnelle, un hommage à la femme, à la nuit et aux élégantes dames aux charmes vénéneux.
Un parfum qui se voudrait assez classique et discret tout en s’avérant provoquant et vertigineux pour qui est attentif… Sans doute un ambré, un oriental fleuri épicé et/ou boisé, peut-être un de chaque d’ailleurs, pour brunes ou blondes ou juste …selon l’humeur !